Par Sophie Jequier, Maître de Conférences en Physique, Université Bordeaux, CELIA, 351 Cours de la Libération, F-33400 Talence
Le semestre Rebondir constitue un terrain privilégié pour l’utilisation des TICE. Les groupes sont à faible effectif et en attente d’un apprentissage différent puisque qu’en échec au semestre 1. L’enseignement de physique sous forme de séances académiques (révision des notions – résolution d’exercices) et de séances basées sur les TICE pour introduire d’autres modalités d ‘apprentissage. Peuvent ainsi être utilisés les cartes mentales pour structurer les acquis du lycée, de la recherche documentaire, des tests interactifs à caractère formatif (qcm en ligne), des visualisations d’expériences, d’animations, de mini-documentaires proposés par UNISCIEL ou encore l’utilisation d’appliquettes dédiées. Ces approches complémentaires forment autant de nouveaux axes de travail qui outre une révision des acquis autorisent une mobilisation différente des étudiants et peut ainsi permettre de remotiver ces étudiants en échec.
L’analyse du semestre Rebondir qui accueille les étudiants ayant moins de 8/20 au semestre 1 a permis d’identifier les difficultés ayant conduit à cet échec. Elles sont de plusieurs ordres : méthodologiques, lacunaires dans une ou plusieurs disciplines, personnelles et/ou financières. Si les deux dernières peuvent être prises en considération au niveau de l’établissement, elles ne concernent pas l’équipe pédagogique au-delà de l’acte d’information et d’orientation qu’elle doit à l’étudiant. A contrario, pour les deux premières, l’équipe pédagogique doit se mobiliser pour aider l’étudiant à combler son retard ; la première étape résidant dans l’identification des difficultés de celui-ci. La plupart d’entre eux, bien qu’en échec à l’issue du S1 ne remettent pas en cause leur niveau puisqu’ils ont obtenu leur baccalauréat, tout en reconnaissant parfois certaines faiblesses. Ils invoquent en général un manque de travail dû à l’acquisition de l’autonomie et à la non prise en compte de la quantité de travail à fournir ; l’université souffrant toujours de l’image désinvolte véhiculée par les médias malgré le travail effectué dans la transition lycée – université par le département Licence tant dans les communications en salons que dans l’accueil des lycéens. Ces étudiants vivent souvent ce semestre de remise à niveau et de réflexion comme une sanction et non comme une seconde chance. Le rôle de l’équipe pédagogique est donc de les amener à travailler de façon plus structurée, de revoir les acquis du lycée et de les (re)motiver pour une poursuite d’études supérieures universitaires ou non.
Le programme initial
Dans le cadre du semestre mis en place en SVTE, le programme de physique a été défini par l’équipe pédagogique au début du plan Réussite en licence. Il présente trois parties : les transformations nucléaires, les ondes et l’optique géométrique. Les deux premières sont des révisions et le prolongement de ce qui a été vu en Terminale S alors que l’optique géométrique dont les bases ont été vues en première S permet de préparer au redoublement puisque l’optique géométrique est au programme du semestre 1. Le choix de ces trois volets a aussi été fait dans l’idée de confronter des étudiants se destinant à des métiers dans la biologie, la géologie ou la chimie, au fait que la physique apporte un ensemble de notions et modèles dont ils auront besoin ultérieurement. Nous avions donc sélectionné des exercices simples mais avec des applications métiers. La première année de la mise en place, l’enseignement avait été pratiqué de manière très académique sous forme de cours intégrés. Bien qu’un contrat d’accompagnement ait été réalisé sur la plateforme ULYSSE, celui-ci a été peu utilisé d’après les statistiques et le nombre d’étudiants a été plus que divisé par deux entre le début et la fin du semestre.
L’année suivante conscient de la difficulté de motiver les étudiants à venir en cours, le choix a été fait d’augmenter la quotité de travail sur l’outil informatique tant dans les illustrations des phénomènes et notions que dans la recherche documentaire. Pour l’optique géométrique, des exercices ont été proposé sur le tracé de rayons à l’aide d’une appliquette Java développée par l’Université en Ligne. L’avantage de ces exercices est la possibilité pour l’étudiant de se centrer sur la notion à appréhender plutôt que sur le dessin. L’accueil favorable reçu par cette approche a d’ailleurs permis sa diffusion dans le semestre Rebondir MISMI cette année.
L’expérimentation en 2011/2012
En reprenant à nouveau ce semestre cette année j’ai décidé d’accroître encore l’usage du multimédia et TICE dans les séances. Selon la partie du programme concerné, les modalités d’intégration furent différentes mais toujours précédées d’une séance en salle. L’objet de ces premières séances est la révision du vocabulaire associé au thème étudié. Les étudiants y sont proactifs car ce sont eux qui doivent amener les termes. Je les note au tableau en les organisant par sous – thèmes mais sans le leur indiquer. Il est à noter que cette première séance vise à faire prendre conscience aux étudiants que leurs connaissances sont parcellaires mais aussi à créer une dynamique de groupe. Le recueil et le classement terminés, une carte heuristique est réalisée pour structurer l’organisation des connaissances sur cette partie (voir exemple en annexe). Ce dernier point, la carte mentale, leur donne une nouvelle approche de contenus déjà étudiés. L’utilisation d’une salle avec tableau numérique autoriserait la constitution et la diffusion du fichier numérique aux étudiants à l’issue du cours. Sont ainsi révisées toutes les notions et formules du domaine. En suivant, une sélection d’exercices est cherchée. Ce travail est alors complété par un travail personnel (seul ou en binôme) qui prend des formes variés selon la thématique concernée.
Pour la radioactivité, les étudiants ont réalisé une mini-recherche sur un sujet donné à présenter à la classe deux semaines plus tard. Le choix du sujet s’effectue parmi une liste en fonction des intérêts de l’étudiant et une première séance de recherche sur internet s’est effectuée en ma présence à l’espace ALPHA.
Pour la partie sur les ondes, après la carte mentale, nous avons visionné des animations, des mini-séries documentaires et des expériences filmées proposées par UNISCIEL ; chacune illustrant des concepts du cours. Le travail personnel sur ce thème a été la résolution d’un exercice type bac par binôme à présenter en classe deux semaines plus tard ; chaque binôme ayant un exercice différent.
Pour l’optique outre l’atelier d’optique Java pour le tracé de rayons, les étudiants on passé des qcm en ligne.
Dernier point, pour dynamiser le groupe, l’utilisation du jeu sérieux « Sciences Express » réalisé par UNISCIEL a été une réussite. Deux séances en centre de ressources y ont été dédiées bien que pour certains une seule fût suffisante. Après une certaine hésitation, liée à l’intégration d’un côté ludique affirmé dans un enseignement académique, les étudiants ont adhéré, à tel point que tous ont laissé passer l’horaire théorique de fin du cours tellement ils étaient pris par le jeu. Malheureusement tous ne possédaient pas d’écouteurs leur permettant d’exploiter les commentaires des ressources vidéo. Ceux-là sont passés à l’énigme suivante en attendant de pouvoir récupérer un casque ou, ont remis à plus tard leur réponse. Lors de la seconde séance dédiée, environ un tiers avait déjà validé leurs énigmes et ouvert le coffre pour certains d’entre eux. Les autres ont cherché les dernières énigmes pour obtenir le sésame, bien que connaissant la fin !
En effet, Sciences Express propose la résolution d’énigmes portant sur les différentes disciplines couvertes par UNISCIEL. Chaque énigme trouvée donne un mot permettant à l’issue de recomposer une phrase, le sésame, et ainsi d’ouvrir le coffre. Au début de la partie, dans un graphisme de bande dessinée, est attribué au joueur, une carte de monde : la carte au trésor du professeur Atomix (voir annexe). Six villes (fictives) sont identifiées, dans lesquelles le joueur doit se rendre pour répondre à deux énigmes à chaque fois (Les questions sont présentées en annexe dans le questionnaire final). Dans chaque ville se trouvent trois indices cachés qui donnent accès à des ressources d’Unisciel ou du réseau social pédagogique Beebac en lien avec le sujet. Les questions sont de difficultés et de formes différentes suivant les thèmes abordés : questions à choix multiples, réponse écrite plus ou moins développée, qui est analysée dans les 24 heures. Le joueur doit donc lire et regarder les documents vidéo attentivement pour pouvoir répondre correctement aux questions posées par les habitants. Le niveau des énigmes correspond à celui du baccalauréat scientifique ou de la première année universitaire. Les thèmes abordés sont les mathématiques, la physique, la chimie, l’informatique, la biologie et les sciences de Terre et de l’Univers. Le jeu est assez court : six villes, douze questions et le sésame à trouver pour ouvrir le coffre mais le joueur doit consulter les ressources pédagogiques, à moins qu’il ne sache déjà quelle est la réponse.
A l’issue du semestre un questionnaire portant sur le jeu sera proposé aux étudiants. Celui-ci est organisé en trois parties. En premier, les étudiants sont amenés à se prononcer sur l’ergonomie, la navigation, la motivation, les difficultés rencontrées lors du jeu et les suggestions d’amélioration. La seconde partie est orientée sur l’adéquation des questions en général puis vis-à-vis de leur parcours. Enfin, la dernière porte sur le contenu du jeu en posant à nouveau les questions du jeu.
Les premiers retours indiquent que la motivation principale de réussite du jeu a été de voir ce que l’on « gagnait » à la fin ! Une certaine déception a d’ailleurs été indiquée. Les étudiants auraient souhaité voir le trésor ou une animation finale « avec feu d’artifice ». Ce dernier point indique clairement l’importance du côté ludique. Les questions ont été trouvées faciles dans l’ensemble surtout grâce au support des ressources, d’autant plus que certaines de celles-ci avaient déjà été utilisées comme support de séances présentielles. Il est d’ailleurs demandé de mettre différentes étapes avec éventuellement différents niveaux, avant de parvenir à la fin du jeu avec par exemple des coffres à ouvrir pour rallonger et renforcer la difficulté de la quête. En effet, une poursuite du jeu est souhaitée dans la plupart des retours. Les étudiants semblent avoir globalement retenu les réponses mais il est difficile de juger de la rétention à long terme des notions sans suivi dédié.
Cette première expérience d’intégration d’un jeu sérieux dans un enseignement s’est révélée positive à plusieurs niveaux. En effet, outre la motivation qu’ont montrée les étudiants dans la résolution des énigmes et du jeu en lui-même, il en a découlé une cohésion de groupe, cohésion sûrement facilitée par la typologie du semestre concerné mais qui a aussi aidé à une assiduité en fin de semestre. Un autre effet positif est la prise de conscience que les notions à apprendre à l’université peuvent aussi revêtir un caractère ludique. Néanmoins il apparaît important qu’outre le jeu et les notions traitées par celui-ci, les joueurs aient appris qu’en tant qu’étudiants du supérieur ils avaient à leur disposition pour réussir des ressources pédagogiques de qualité proposées par les UNT. Afin de maintenir cet objectif et de promouvoir l’identification et l’usage des ressources, il paraît important de proposer aux étudiants, surtout ceux en difficultés en première année de chercher le trésor du professeur Atomix ainsi que des approches différentes des notions qu’ils doivent avoir acquises afin de leur permettre de réussir leur cursus dans l’enseignement supérieur. Ce projet vise donc à formaliser cette expérimentation qu’elle puisse être intégrer (partiellement) dans les autres groupes en physique des semestres Rebondir ou encore dans les remises à niveau, MNESS ou PréL1.